Selon un premier bilan, 90% du bâti est détruit à Saint Martin. Le régime public des catastrophes naturelles prend en charge l’indemnisation des particuliers et entreprises. Mais tous ne sont pas assurés.L’ouragan Irma de catégorie 5 dans la mer des Caraïbes a des effets dévastateurs sur les iles de Saint Martin et Saint Barthélemy, deux territoires français couverts par notre régime cat’ nat’
C’est « un ouragan d’une intensité sans précédent sur l’Atlantique », selon Météo France. Le cyclone de catégorie 5 Irma, dont l’oeil s’est abattu ce mercredi 6 septembre sur les îles de Saint Martin et Saint Barthélémy, est le plus violent dans la région depuis l’ouragan Luis qui avait dévasté Saint Martin en 1995.
Des vents violents à plus de 300 km/h, de fortes pluies (l’équivalent de 4 mois de précipitations), et surtout de fortes crues et un risque de submersion marine : le bilan promet d’être « dur et cruel« , a confirmé mercredi soir le président de la République Emmanuel Macron. Le Premier ministre Edouard Philippe a affirmé en fin de journée jeudi qu’au moins quatre personnes sont mortes sur l’île de Saint-Martin et qu’à ce stade aucune n’est décédée sur Saint-Barthélemy. Il a également fait état d’une cinquantaine de blessés dont deux graves et un en urgence absolue, un bilan encore susceptible d’évoluer car des « reconnaissances sont en cours« .
90% DU BÂTI DÉTRUIT SUR SAINT MARTIN
Les dégâts matériels, eux, sont « considérables« , a confirmé le président de la République. Au lendemain du passage de l’oeil du cyclone, « 95% de l’île de Saint Martin est détruite« , a constaté Daniel Gibbs, le président du conseil territorial local de l’île franco-néerlandaise. Selon l’outil de veille et simulation VEGA du spécialiste Saretec, 16 400 bâtiments ont été endommagés à Saint Martin, soit près de 90% du bâti de la ville, dont 69% de logements, 14% de bars et restaurants, 5% de commerces et 5% d’hôtels. A Saint Barthélemy, ce sont 2389 bâtiments qui ont été endommagés, soit près de 70% du bâti de la villedont 72% de logements et 8% de commerces. S’ajoute à cela la destruction des champs de canne à sucre et bananeraies, qui entraînera des pertes considérables pour les exploitants locaux.
Il est encore « beaucoup trop tôt » pour évaluer les pertes assurées, selon Laurent Montador, directeur général adjoint de la Caisse Centrale de Réassurance. CCR dispose de modèles statistiques qui lui permettent de réaliser des estimations du coût, mais celles-ci demandent ensuite à être rapprochées de la réalité terrain. A titre indicatif, les ouragans Luis et Marilyn, qui avaient dévasté la région en 1995, avaient généré une sinistralité de 200 M€. Selon Laurent Montador, l’ouragan Irma est « de force équivalente, voire supérieure» au cyclone Hugo, qui avait touché la Guadeloupe en 1989. Celui-ci avait fait 15 morts, détruit plus de 60% de la canne à sucre, mis 35 000 personnes à la rue, généré plus de 152 millions de francs d’évaluation des pertes de matériel et d’exploitation dans la grande hôtellerie et nécessité 466 M de francs pour remettre sur pieds le secteur bananier.
UNE GARANTIE CAT’ NAT’ POUR L’OUTRE-MER DEPUIS 1990
A l’époque, les Antilles n’étaient pas couvertes par le régime public des catastrophes naturelles. Créé en 1982, celui-ci n’a été élargi à l’outre-mer qu’en 1990 pour le risque d’inondation. Depuis la loi d’orientation pour l’outre-mer en 2000, la garantie cat’ nat’ couvre les territoires ultra-marins de manière complète y compris pour les dégâts liés au vent pour des ouragans violents de catégories 4 et 5.
Le régime de catastrophes naturelles en France repose sur le principe de solidarité et de mutualisation. Tout particulier ou entreprise qui assure ses biens au moyen d’une police dommages bénéficie d’une extension de garantie en cat’ nat’. Une surprime de 12% s’applique aux particuliers disposant d’une assurance habitation et aux entreprises et de 6% pour les assurés auto. La CCR intervient ensuite en tant que réassureur public, soit en quote-part en prenant à sa charge au moins 50% du sinistre, soit en garantie « stop loss » (excédent de perte) pouvant aller jusqu’à prendre en charge la totalité du sinistre.
PLUS FAIBLE PÉNÉTRATION DE L’ASSURANCE AUX ANTILLES
« Nous avons la chance en France, grâce au régime Cat Nat qui permet à tout assuré d’être indemnisé en cas de catastrophe naturelle , d’avoir un protection gap (ndrl : la différence entre coût économique et pertes assurées) assez faible, comparé à d’autres régions du monde comme les Etats-Unis où les pertes assurées peuvent ne représenter parfois que 10% du coût économique », relève Laurent Montador.
Encore faut-il que les dégâts soient assurés. Car, aux Antilles, l’industrie hôtelière est couverte, mais ce n’est pas forcément le cas des particuliers. « Le taux de pénétration de l’assurance est de l’ordre de 50% en Martinique et en Guadeloupe, alors qu’il est de 98% en métropole », explique Laurent Montador.
L’ENJEU DE LA RECONSTRUCTION
Pour ces territoires ultra-marins, qui vivent des plantations et du tourisme, l’enjeu sera celui de la reconstruction. La totalité des pertes à moyen terme pour l’économie de la région reste très difficile à évaluer. En complément de l’indemnisation assurantielle, le fonds de secours pour l’outre-mer a été activé. « Il s’adresse aux particuliers et aux petites entreprises à caractère artisanal ou familial dont les biens non-assurés ont subi d’importants dommages, aux exploitants agricoles ultramarins pour leurs pertes de fonds et de récoltes, et également aux collectivités territoriales pour les dégâts causés sur les équipements publics non-assurables ».
Un fonds qui repose toutefois sur le budget de l’Etat et les arbitrages de Bercy, à l’heure de la rigueur budgétaire. Dans son rapport public en 2011, la Cour des Comptes relevait, de plus, qu’ « il s’écoule parfois plusieurs années entre la catastrophe et le versement complet des aides aux collectivités territoriales ». Emmanuel Macron a, par ailleurs, annoncé mercredi soir qu’un « plan de reconstruction national » serait « rapidement déployé« .
Source : Argus de l’assurance