Adoptée en janvier 2016, la ­directive sur la distribution d’assurance vise à renforcer la protection des consommateurs dans leurs relations avec tous les distributeurs d’assurance. DDA, qui prend la suite de la directive sur l’intermédiation en assurance (DIA1), s’inscrit dans un long processus voulu par les autorités européennes de construction du marché unique de l’assurance. Alors qu’outre-Rhin les autorités ont bouclé la trans­position de la ­directive, la France est plus en retard. Elle a prévu de publier l’ordonnance qui transposera la réglementation européenne dans notre législation en décembre 2017. Soit tout juste deux mois avant la date d’entrée en vigueur du 23 février 2018.

Actuellement, toute la profession ­attend la publication des actes délégués de cette directive (les éléments liés à la mise en œuvre pratique de DDA), plusieurs fois retardée et désormais prévue pour l’automne. Ces actes seront sûrement très proches des avis techniques déjà rendus par l’Autorité européenne des assurances et des pensions ­professionnelles (EIOPA).

« Il est impératif que ce texte ne puisse être opposable aux acteurs du marché à compter du 24 février 2018 au matin, étant donné le délai plus que court dont ils auront bénéficié pour se mettre en conformité par rapport à ce nouveau cadre », insiste ­Bertrand de Surmont, président de la Chambre syndicale des courtiers d’assurance (CSCA). Et d’ajouter : « À ce titre, la CSCA demande le report de l’entrée en vigueur du texte ou, en cas d’impossibilité, demande à l’ACPR de s’engager à ne prendre aucune sanction à l’encontre d’un distributeur durant une période de deux années à compter de l’entrée en vigueur du texte ». Un texte qui devrait occasionner quatre grands chambardements.

GOUVERNANCE PRODUIT

Situation actuelle depuis DIA1

En termes de gouvernance produit et de marché cible, rien n’était jusqu’ici imposé dans les textes. Les services marketing des compagnies essa­yaient de bâtir des produits en concordance avec les profils des clients, pour qu’ils trouvent leur cible. Et les intermédiaires s’assuraient que le produit qu’ils proposaient correspondait bien aux besoins et exigences de leur client. « Le volet surveillance et gouvernance produit (ou POG pour Product oversight and governance) est l’une des principales innovations de la directive sur la distribution d’assurances », estime ainsi Henri Debruyne, président et CEO du Medi (Monitoring european of distribution in insurance).

Ce qui change avec DDA

Tout produit d’assurance devra faire l’objet d’un processus de validation, permettant d’identifier son « marché cible », ses risques et de déterminer une stratégie de distribution. Cela conduira les assureurs à muscler leurs comités produits qui devront devenir de véritables instances de pilotage, tant en amont lors de la conception, qu’en aval lors de la distribution. . Pour exemple, Axa France a prévenu que son dispositif de surveillance des produits allait être renforcé et ses courtiers accompagnés pour respecter cette politique. De fait, assureurs et courtiers vont assumer une plus lourde responsabilité formelle et devront s’accorder sur sa répartition.

DEVOIR DE CONSEIL

Situation actuelle depuis DIA1

Le devoir de conseil est au cœur de l’activité du courtier depuis longtemps. « La jurisprudence a construit depuis 1960, à l’égard du seul courtier, un devoir de conseil s’apparentant à une quasi-obligation de résultat, eu égard au très haut niveau d’exigence retenu par les tribunaux, que le client est d’ailleurs en droit d’attendre », rappelle Bertrand de Surmont, président de la CSCA. Le statut de courtier leur impose déjà, pour chaque client, une approche personnalisée et des préconisations adaptées aux besoins. Des outils informatisés, fournis ou pas par les compagnies et grossistes, peuvent les aider dans cette phase de recueil des besoins clients.

Ce qui change avec DDA

En matière de devoir de conseil, la France est déjà bien avancée sur le sujet et c’est sur ce volet que les impacts de DDA seront les moins importants. La principale différence repose sur la formalisation et sur la traçabilité du conseil donné. « Désormais, le distributeur devra être capable de prouver qu’il a fourni la bonne ­réponse en adéquation aux besoins et exigences du client. Les 3 étapes du devoir de conseil clairement posées dans la directive vont nécessiter d’adapter les outils de gestion de la relation client », prévient Carole Riaux, manager risk management chez Optimind Winter. En étant réglementée, l’obligation de conseil est désormais opposable dans un tribunal. Les compagnies devront remettre à leurs intermédiaires les documents d’information produit requis (documents appelés KID et IPID).

RÉMUNÉRATION

Situation actuelle depuis DIA1

Jusqu’ici, la rémunération ne faisait pas partie des informations obligatoires à fournir à un client lors de la souscription du contrat d’assurance. Pour autant, DIA1 imposait la divulgation de la rémunération et des avantages monétaires sur simple demande du client et pour les contrats dont les primes étaient ­supérieures à 20 000 €/an (R 511-3 du Code des assurances).

Ce qui change avec DDA

Désormais, le courtier doit fournir à son client la source et la nature de sa rémunération pour les produits non-vie (sans en préciser le montant). Pour les produits d’assurance vie, le montant apparaît en pourcentage dans les frais. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, la rémunération et le mode de rémunération ne doivent pas influer sur le choix du contrat proposé par le courtier.

FORMATION

Situation actuelle depuis DIA1

Un certain niveau de compétences acquis par formation initiale est nécessaire pour exercer la profession de courtier. La liste des formations initiales reconnues est fournie par l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance (Orias). À défaut, il est également possible de suivre un stage de mise à niveau en fonction des produits vendus, des tâches effectuées et des responsabilités assumées. Il revient aux sociétés de courtage de former leurs salariés sur les produits, les process internes et sur les principales obligations inhérentes au métier de courtier. Il n’y a pas pour l’instant de système de suivi et d’évaluation réguliers.

Ce qui change avec DDA

La directive introduit l’évaluation et le suivi des compétences, ainsi qu’une obligation de formation continue d’une durée de 15 heures minimum par an et par personne concernée. La mise en place de cette formation continue va avoir un ­impact sur l’organisation des intermédiaires et va générer des coûts supplémentaires. « Cette formation devra être formalisée et calibrée afin que les intermédiaires puissent justifier être en conformité sur ce point. Nous sommes en train de structurer avec nos partenaires un package ”Formation DDA compatible”, afin que nos adhérents puissent répondre à leurs obligations. Nous espérons que la transposition autorisera le recours au “e-learning” et aux ateliers à distance », confie Bertrand de ­Surmont, président de la CSCA.

Source : argusdelassurance.com