Le projet de loi El Khomri inclut une réforme de la médecine du travail.
La France manque de praticiens.
Les visites seraient moins fréquentes pour l’essentiel des salariés.
C’est un volet du projet de loi travail qui a jusqu’ici été un peu occulté. Il n’en est pas moins porteur de modifications importantes pour les employeurs et les salariés. Le titre V du texte qui sera présenté en Conseil des ministres jeudi réforme la médecine du travail.
Avec, en point de départ, une forte contrainte : le recul continu du nombre de médecins du travail, retombé de plus de 6.000 en 2006 à 5.000 en 2015, dont 40 % qui ont plus de 60 ans. L’Etat anticipe qu’ils ne seront plus que 2.400 en 2030. Comment, alors, veiller à la santé de plus de 17 millions de salariés du privé alors que les visites médicales obligatoires ne se font déjà pas toutes, faute de troupes ?
La réponse adoptée est inspirée du rapport remis en mai 2015 par le député PS Michel Issindou : « Mieux cibler les moyens sur les salariés exposés à des risques particuliers », comme l’explique l’exposé des motifs du projet de loi El Khomri. Seraient concernés les salariés dont le poste expose directement leurs santé et sécurité (BTP, chimie, certaines industries, etc.), mais aussi celles de tiers (chauffeurs de bus, pilotes d’avion, etc.). Ils continueraient d’être soumis, à l’embauche, à une visite médicale systématique d’aptitude par un médecin du travail. Pour les autres salariés, la visite d’embauche serait menée par une équipe pluridisciplinaire (infirmiers, ergonome, etc.) et recentrée non plus sur la notion d’aptitude, qui disparaîtrait, mais sur la prévention.
Une protection sociale « détricotée »
Cette distinction entre suivi par le médecin du travail pour les postes à risques et par des équipes pluridisciplinaires pour les autres serait prolongée pour les visites en cours de carrière, dont la périodicité va être revue par décret. Aujourd’hui, tout salarié doit être vu au moins une fois tous les deux ans. A l’avenir, ce délai devrait être rallongé pour l’essentiel des postes, tandis que ceux à risque bénéficieraient d’un suivi renforcé. L’exécutif veut aussi renforcer le suivi des salariés en CDD et en intérim, aujourd’hui quasi inexistant dans les faits. Une piste à l’étude est d’attacher la visite non plus au contrat, mais à la personne. Une refonte du suivi des travailleurs de nuit est aussi à l’étude, mais est elle aussi renvoyée à un décret.
La réforme fait grincer des dents la CGT : « On gère la pénurie au prix de disparités énormes entre travailleurs, mais on ne règle rien », y déplore Alain Alphon-Layre. Il préconise une refonte totale, avec une médecine du travail « intégrée à la Sécurité sociale » en lieu et place de l’actuelle gouvernance paritaire « qui la place aux mains du patronat ». La CGC, très présente parmi les médecins du travail, est encore plus remontée contre le projet de loi : « Le médecin du travail ne verra plus qu’une seule catégorie de salariés, stigmatisés ; il deviendra un contrôleur au lieu d’être un veilleur. On détricote une protection sociale majeure des salariés », tonne Bernard Salengro.
95 % des déclarations d’inaptitude débouchent sur un licenciement
Ces oppositions n’ont pas empêché ces deux syndicats de parapher, avec la CFDT, la CFTC, la CGPME, le Medef, l’Unapl et la FNSEA une note adressée le 17 mars à Myriam El Khomri. Celle-ci abonde dans le sens de l’exécutif en actant que « les visites doivent être proportionnées aux risques professionnels », mais prévient que la réforme ne doit« pas se limiter au seul ajustement aux contraintes de la démographie médicale ». Elle exhorte la ministre à ne pas confondre « médecine du travail et médecine de contrôle », et insiste sur la nécessité, conformément aux orientations du dernier plan santé au travail, de mettre l’accent sur « le maintien en emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle ».
Un point clef : aujourd’hui, 95 % des déclarations d’inaptitude débouchent sur un licenciement. « Il faut mieux accompagner les salariés dans leur carrière pour ne pas en arriver là, et aussi s’assurer que les employeurs ne jouant pas le jeu ne passeront plus entre les gouttes », insiste Hervé Garnier (CFDT). « La prévention est bien un élément clef du projet », indique le ministère du Travail, qui assure aussi que les nombreux décrets attachés à la réforme feront l’objet de consultations des partenaires sociaux.
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Source : Les ECHOS