Même si elles ne sont pas sans failles, les normes de construction françaises qui portent sur la sécurité contre les feux sont parmi les plus strictes d’Europe.
Après le terrible incendie de la tour Grenfell à Londres, dans la nuit de mardi 13 à mercredi 14 juin, dans lequel ont péri au moins 79 personnes, les professionnels de la construction ont rapidement soupçonné le revêtement extérieur du bâtiment d’être responsable de la rapide propagation des flammes.
La tour de vingt-quatre étages avait, en effet, été rénovée en 2016 et son procédé d’isolation par l’extérieur comprenait un isolant à base de mousse polyisocyanurate (PIR), enfermé entre deux minces couches d’aluminium, un bardage synthétique de polyéthylène, le tout séparé du bâtiment par une lame d’air.
« Le PIR est un matériau très performant pour l’isolation thermique, deux fois plus que la laine de roche ou de verre, explique Jean-Charles du Bellay, spécialiste de la sécurité incendie à la Fédération française du bâtiment (FFB), mais il est inflammable et, lorsqu’il brûle, très toxique, puisqu’il dégage du cyanure d’hydrogène. La lame d’air a, au surplus, joué un rôle de cheminée, accentuant la remontée des gaz de combustion et des flammes. »
Matériaux incombustibles
Immédiatement ordonnée sur 600 immeubles d’habitation recouverts d’un matériau similaire dans l’ensemble du Royaume-Uni, une inspection a permis d’établir que 75 d’entre eux n’étaient pas conformes.
Un tel drame peut-il se produire en France ? Le pays a été traumatisé par deux incendies particulièrement meurtriers : celui de la boîte de nuit Le 5-7, en novembre 1970, en Isère, dans lequel 146 personnes dont 55 mineurs (moins de 21 ans, à l’époque) avaient perdu la vie, et, le 6 février 1973, celui du collège de la rue Edouard-Pailleron, à Paris (19e), où l’on déplora vingt morts dont seize enfants.
Des normes de sécurité incendie très sévères ont alors été adoptées, en particulier pour les établissements recevant du public et les immeubles dits de grande hauteur – plus de 28 mètres (hauteur maximale d’une échelle de pompiers, soit neuf étages).
Depuis le 18 octobre 1977, les matériaux employés doivent être incombustibles (classe M0, sur une échelle qui va jusqu’à M5, très facilement inflammable) et tous travaux de construction comme de rénovation doivent faire l’objet d’un permis de construire, d’une autorisation soumise au préfet, d’une surveillance par un bureau de contrôle agréé et d’une réception des travaux par la commission de sécurité du service départemental incendie (les pompiers).
Un audit de la réglementation française réclamé
La France aurait donc la réglementation la plus stricte d’Europe, mais elle n’est pas sans failles : les immeubles d’habitation de plus de 28 mètres de haut, construits entre 1960 et 1970 – et ils sont nombreux – en sont, par exemple, exclus.
« Depuis la circulaire du 13 décembre 1982, les travaux de rénovation et d’amélioration des bâtiments ne doivent pas dégrader la sécurité incendie mais, au contraire, l’améliorer », précise Christophe Boucaux, de l’Union sociale de l’habitat (les bailleurs sociaux).
Malgré ces précautions, plusieurs accidents sont survenus. En mai 2012, l’incendie de la tour HLM Mermoz, à Roubaix (Nord), causait la mort d’une personne et faisait dix blessés graves. L’isolation de la façade était également en cause dans ce drame et la procédure d’établissement des responsabilités est toujours en cours.
A l’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), la mise à feu volontaire d’une boîte aux lettres, le 4 septembre 2005, causait, à la suite d’un incendie généralisé, la mort de dix-huit personnes, intoxiquées par les émanations du lambris de l’entrée en feu.
« Notre arsenal français est orienté vers les mesures d’évacuation, prévoyant matériaux résistants, portes coupe-feu, cages d’escaliers protégées, afin de laisser le temps d’évacuer l’immeuble de ses occupants, mais il ne tient pas assez compte des émanations toxiques, gaz chlorhydrique ou cyanurique, des matériaux enflammés », insiste Alain Bornarel, fondateur du bureau d’études (énergies et développement durable) Tribu.
Après l’incendie londonien, dès le 19 juin, le ministre de la cohésion des territoires, alors Richard Ferrand, a commandé, au Centre scientifique et technique du bâtiment et à son directeur technique, Charles Baloche, un audit de la réglementation française, à remettre à la fin de juin-au début de juillet au nouveau ministre, Jacques Mézard.
Ce drame vient cependant rappeler qu’alléger les normes de construction, comme le réclament de nombreux promoteurs, n’est pas sans danger.
Source : http://www.lemonde.fr