assurance-risque_riskat

Ils concernent la cybernétique, la dématérialisation des échanges, les nouvelles tendances de l’assurance de personnes et les catastrophes naturelles. Ces risques sont peu prévisibles, très évolutifs, difficiles à lier au sinistre et leur impact financier est souvent de grande ampleur.

Les assureurs mettent les risques émergents à la tête de leurs priorités. A l’instar de l’industrie de l’assurance à travers le monde, les compagnies marocaines commencent à sentir le filon mais également la menace. Les principaux acteurs du marché, rassemblés lors de la 3e édition des Rendez-vous de Casablanca de l’assurance, ont fait le constat selon lequel les nouveaux risques constituent un véritable défi à la fois pour les assureurs, les entreprises et les particuliers. Il s’agit de risques pour lesquels aucun consensus scientifique n’a été trouvé. En conséquence, les experts ne peuvent pas fournir des chiffres utiles à la modélisation. Pour les assureurs, l’enjeu est donc aujourd’hui d’être en mesure de déterminer la cartographie de ces risques et d’en anticiper la survenance et les conséquences, à la fois pour une meilleure prise en charge des assurés et pour leur propre stabilité financière.

Dans la pratique, pour évaluer un risque, l’assurance utilise trois méthodes. L’actuariat qui regarde le passé pour anticiper statistiquement l’avenir ; l’assimilation, c’est-à-dire l’appréciation d’un nouveau risque comme un autre risque qui lui ressemble ; et la modélisation mathématique à partir de données scientifiques fournies par des experts. Sauf que pour les risques émergents, leur existence ne peut pas toujours être démontrée de manière certaine, ils sont très évolutifs dans le temps, et le lien entre risque et sinistre est souvent difficile à démontrer (l’exemple des risques entraînant des cancers après plusieurs années ou des radiations nucléaires). De plus, leur impact financier est souvent important (sinistres dus à l’amiante estimés à plus de 8 milliards d’euros sur la période 2009-2040 au Royaume Uni). Cet impact ne peut pas être quantifié de manière précise, les techniques actuarielles de gestion des risques étant difficilement applicables.

Une base de données pour cerner les risques cybernétiques

D’après la majorité des responsables des compagnies ayant pris part aux travaux de la rencontre, devant ces défis, la profession est aux aguets depuis quelques années déjà pour cerner les nouveaux risques. Les compagnies affinent leurs approches et se dotent d’outils scientifiques pour maîtriser ces aléas. «Par exemple, pour les risques liés à Internet (cybernétiques), les compagnies de la place sont en train de constituer une base de données pour mieux saisir la portée des phénomènes, la sinistralité, la nature des sinistres, l’ampleur des préjudices…», estime un opérateur, membre de la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR). Pierre Edouard Fraigneau, directeur commercial Afrique du Nord du géant AIG, abonde dans le même sens. Il affirme que les cyber-risques sont aujourd’hui identifiés par les comités d’audit et de risk management des entreprises comme une priorité. «La demande sur ce type de produit d’assurance connaîtra une forte évolution sur les prochaines années», estime-t-il. Le responsable d’AIG, conforté par les assureurs marocains, ajoute que le deuxième grand risque émergent pour le marché nord-africain est celui découlant de la dématérialisation des échanges et la montée en flèche du nombre des objets et machines connectés. Selon des analystes, 40 à 50 milliards d’objets seront connectés d’ici 2020. Des stylos aux maisons, en passant par les voitures et les gros équipements industriels. «L’IdO ou Internet des objets pose des défis conséquents et entièrement nouveaux, notamment le respect de la vie privée, la propriété de ces produits et la responsabilité quant à leur usage», relève M. Fraigneau.

Selon plusieurs intervenants, les compagnies marocaines sont également de plus en plus confrontées aux risques émergents en assurance de personnes. Mohamed Amrani, président de l’Association marocaine des actuaires (AMA) et Olivier Cabrignac, directeur adjoint de Score Global Life, affirment que l’on assiste à un prolongement de l’espérance de vie, qui s’accompagne de l’apparition de nouveaux phénomènes (nouvelles pandémies, résistance aux antibiotiques, stress profond au travail…). «La confection des tables de mortalité requiert désormais de l’actuaire d’anticiper des tendances qui n’ont pas été encore observées ou, s’ils l’ont été, sont difficilement transposables au contexte d’aujourd’hui», expliquent-ils.

Les dirigeants d’entreprises veulent également des couvertures

De plus, le risque de catastrophes naturelles de grande ampleur devient plus fréquent. «Leur nombre est plus élevé sur la dernière décennie, elles touchent les personnes et les biens et n’épargnent aucun territoire», estiment les animateurs de l’atelier dédié aux risques de masse. Dans le même registre, les participants à l’atelier ont souligné la responsabilité centrale qui échoit aux pouvoirs publics dans la couverture de ces risques. Le projet de loi sur les catastrophes naturelles vient d’être adopté par le conseil de gouvernement le 5 mars. Il prévoit un régime de couverture des conséquences des catastrophes naturelles, modifiant et complétant la loi 17-99 portant code des assurances. Le texte propose la mise en place d’un programme de double protection pour indemniser les victimes des catastrophes, alliant un régime d’assurance au bénéfice des personnes disposant d’un contrat d’assurance et un régime de solidarité au profit des personnes physiques ne disposant pas de couverture.

Par ailleurs, une partie des intervenants a estimé que le marché marocain est également amené à trouver des couvertures pour les risques liés à la responsabilité des administrateurs et dirigeants d’entreprises. Pour Souâde Messaoudi, avocate chez Norton Rose Fulbright LLP, ces profils évoluent souvent dans un environnement juridique contraignant. De ce fait, ils s’exposent à des risques de plus en plus importants non seulement dans leurs pays mais également à l’étranger. Une couverture RC des dirigeants sera très indiquée pour prendre en charge les dommages et intérêts et les frais de défense, d’autant plus que parfois les poursuites touchent aux biens personnels des administrateurs.