Le Premier ministre multiplie les réunions sur la sécurité. Lundi ce fut le tour du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Hier soir, les membres du gouvernement ont fait un point d’étape sur l’Euro 2016.

Lundi dernier, Manuel Valls, Premier ministre, a tenu une réunion du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). « Notre pays – il n’est pas le seul – est confronté à un phénomène massif : la radicalisation islamiste. Elle soutient, exalte le terrorisme. Bien souvent, elle en est l’antichambre, a-t-il déclaré en préambule. Cette idéologie, qui nous a déclaré la guerre, corrompt les esprits au cœur même de nos sociétés. Elle transforme des individus qui ont grandi ici, ont fréquenté nos écoles, en ennemis prêts à frapper, à retourner les armes contre leurs propres concitoyens. » A l’approche de l’Euro 2016, la grande peur, bien sûr, c’est justement le terrorisme dû à la radicalisation islamiste.

Qui sont les  »radicalisés » ? Pour la plupart, les radicalisés sont des jeunes. Deux tiers d’entre eux ont moins de 25 ans. 40% sont des femmes. Près du quart des individus présents en Syrie sont des convertis à un islam revisité et rudimentaire qui s’expose sur les réseaux sociaux. « Le nombre de combattants étrangers en Syrie ou en Irak a atteint 15.000, son plus haut niveau, en 2015. Il est aujourd’hui de 12.000 parce que la guerre que nous menons là-bas produit ses effets, parce que les mesures que nous prenons ici pour empêcher les départs portent leurs fruits », reprend Manuel Valls. Depuis l’Europe, ce sont 5.000 individus qui sont partis depuis le début du conflit. Un bon nombre est resté sur place. 627 d’entre eux sont Français – soit le contingent le plus important, parmi les combattants européens. L’enrôlement direct dans ces filières djihadistes, incluant une arrivée sur zone, concerne ou a concerné plus d’un millier de personnes pour le seul territoire français. Parmi elles, 171 personnes au moins sont présumées y avoir trouvé la mort et 244 personnes sont revenues sur le territoire national. Il faut ajouter à ce chiffre un millier de personnes ayant manifesté des velléités de départ, dont 216 ayant quitté probablement le territoire national, sans que leur présence ne soit attestée en Syrie ou en Irak. A ce décompte, s’ajoute ou se recoupe le signalement de près de 9.300 personnes pour radicalisation violente, dont 4.600 via la plateforme nationale de signalement et 4.900 via les états-majors de sécurité départementaux (dont 200 doubles signalements). 7% des signalements ont trait à des départs effectifs, 30 % à des femmes, 20% à des mineurs. La DGSI estime que, depuis 2013, trois tentatives d’attentat ont échoué, et 15 projets d’attentat ont été déjoués. Dont 6 étaient portés par des individus de retour de la zone syro-irakienne.

Succession de plans. En avril 2014, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, avait déjà proposé au gouvernement un premier plan public d’action contre les filières djihadistes et la radicalisation violente. Mais d’autres ministères se sont aussi mobilisés. Deux ans plus tard, les 22 mesures de ce plan demeurent d’actualité, en particulier en matière de détection, de surveillance et de limitation des déplacements. Ensuite, le Pacte de sécurité annoncé par le Président de la République, le 16 novembre dernier, est venu en renfort. « Après deux ans et un bilan d’étape, nous avons voulu que les pouvoirs publics se donnent un nouveau cap et les moyens de progresser encore. C’est l’objet du document présenté aujourd’hui : 80 mesures, dont 50 nouvelles, pour donner une impulsion renouvelée », précise le Premier ministre. Le Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) établit une stratégie globale : elle agit à la fois en amont, pour prévenir, détecter, traquer la radicalisation, en aval, pour la combattre et  pour protéger les Français.

Prévention et détection. Un ensemble de mesures sectorielles permettra d’agir, ministère par ministère, chacun apportant sa culture professionnelle, ses réseaux et son savoir-faire. L’éducation nationale est bien entendu en première ligne. Le contrôle des établissements hors contrat et de l’enseignement à domicile sera poursuivi et intensifié. « La culture joue également un rôle déterminant. La lutte contre la radicalisation, c’est avant tout une lutte contre l’obscurantisme, la manipulation des esprits. L’éducation aux médias doit prendre de l’ampleur ; elle est la meilleure arme contre le complotisme, précise Manuel Valls. Il faut aussi mentionner le renforcement des actions de traitement des problèmes de santé mentale, assez fréquents chez les personnes radicalisées, ou encore le renforcement sans précédent de la protection judiciaire de la jeunesse en milieu ouvert. »

Numéro vert national et PNR français. Repérer les cibles radicalisées, mesurer leur dangerosité, comprendre la manière dont les filières s’organisent sont des préalables pour les neutraliser. C’est aussi la condition d’une prise en charge adaptée des personnes sur le point de basculer. D’où la création d’un numéro vert national, le 0800 00 56 96, activé en 2014, a permis le recueil et le traitement des signalements. « Une grille d’analyse commune a été élaborée sur ce qu’est un signalement dangereux et ce qui ne l’est pas. Elle est désormais partagée par les écoutants de la plate-forme, par les services de renseignement, par les cellules départementales de suivi », commente le chef du gouvernement. La détection, c’est aussi la détection des déplacements : il faut empêcher les terroristes de circuler, de trouver des armes, ou des financements. « C’est l’objet du PNR [Passenger Name Record, NDLR] français, qui entrera progressivement en action cet été. Ce sera le premier PNR mis en œuvre en Europe continentale, avant le développement des autres PNR européens que la France a vigoureusement défendu à Bruxelles, enchaîne Manuel Valls qui veut faire de la radicalisation en prison l’objet d’un traitement spécifique. Nous avons décidé, avec le garde des Sceaux, de doter l’administration pénitentiaire d’un service de renseignement de plein exercice, après avoir déjà créé des unités dédiées de regroupement de détenus radicalisés – je l’avais annoncé en janvier 2015. Aumôneries, programmes de formation, sécurisation des établissements pénitentiaires : rien ne doit être négligé pour contenir l’influence d’imams autoproclamés, qui recrutent dans le milieu carcéral. »

Combattre la radicalisation. Après avoir détecté les individus dangereux, les terroristes potentiels, encore faut-il les empêcher d’agir. « Ce qui veut dire d’abord : poursuivre notre action militaire. L’ennemi est parfaitement désigné : Daech, Al Qaïda et leurs succursales opèrent depuis leurs bastions, en Syrie, en Irak, au Sahel. C’est pourquoi la France engage ses forces armées en Afrique et au Levant, entonne le chef du gouvernement. Les frappes de la coalition produisent leurs effets : l’État islamique recule. Mais nous savons combien la menace est mouvante, combien elle peut changer de front, adapter ses modes d’action. C’est tout le sens de l’engagement de la diplomatie française pour trouver un règlement aux conflits qui alimentent le terrorisme », fait valoir le Premier ministre.

Lutte financière. Parallèlement aux opérations militaires et à la diplomatie,  une lutte opérationnelle contre les filières djihadistes est menée sur notre sol. « La répression du terrorisme appartient à l’autorité judiciaire. Et le choix que nous avons fait de consolider les techniques de recueil de renseignement, ou de rendre les outils de la police administrative plus efficaces, n’est pas contradictoire avec une vérité intangible : un terroriste doit être traduit en justice et condamné. Le parquet antiterroriste et le pôle instruction ont été renforcés, estime Manuel Valls. Je veux aussi insister sur les actions entreprises pour couper toute source de financements à ceux qui s’enrôlent dans les filières terroristes. Chaque départ donne lieu à un signalement de la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure, NDLR] et aux caisses de sécurité sociale. Une enquête approfondie est alors menée, en application des règles propres aux organismes sociaux. Au mois de mars dernier, sur plus de 500 dossiers en cours de traitement, 350 ont déjà abouti à une situation de constat de fin de droits ou à une décision de suspension du versement des droits. La règle est systématique : quiconque s’engage dans les filières terroristes perd le bénéfice des droits sociaux. » Pour sa part, le ministère du budget procède également au gel des avoirs financiers de groupes ou d’associations suspectés de financer le terrorisme.

Encadrement du retour en France. Lorsque la justice ne dispose pas d’éléments suffisants pour engager des poursuites, le dispositif de contrôle et d’évaluation doit être très strict. « Je pense notamment à ceux qui reviennent en France après être partis faire le djihad, posant une menace très grave. Certains font régulièrement le trajet aller-et-retour. D’autres sont des « repentis » dont il est difficile de mesurer la sincérité. J’avais annoncé en novembre dernier qu’une disposition législative serait adoptée pour encadrer très strictement le retour en France de ces individus. Grâce à la loi en passe d’être adoptée, nous pourrons commencer à le faire dès cet été », annonce Manuel Valls. Les trajectoires de radicalisation sont très différentes d’un individu à l’autre. 1.600 jeunes et 800 familles concernés par la radicalisation font aujourd’hui l’objet d’un accompagnement adapté par les cellules de suivi des préfectures de leur département. Police, enseignants, travailleurs sociaux ont appris à partager leurs informations, à mutualiser leurs actions. A cet égard, le PART se donne pour objectif de doubler, d’ici deux ans, les capacités de prise en charge des personnes radicalisées. Cela suppose que le pilotage national soit renforcé. Le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation– à compter d’aujourd’hui – y veille.

Un centre de dé-radicalisation dans chaque région. De son côté, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) avait été doté de 60 millions d’euros supplémentaire sur trois ans. Afin de financer certaines mesures nouvelles de ce plan, ce montant sera porté à 100 millions d’euros. Les autres seront financées dans le cadre des lois de finances, sur les budgets des ministères. Le premier centre de prise en charge des personnes radicalisées avec hébergement de longue durée, un Centre de citoyenneté et de réinsertion, sera mis en place cet été. Les premiers accueillis pourront être des repentis dont la sincérité et la volonté de réinsertion seront éprouvées dans la durée. « Parce que la radicalisation concerne tout le territoire national, je demande aux préfets que, d’ici à la fin 2017, un établissement de cette nature soit créé dans chaque région. Au moins la moitié accueilleront, à la demande de l’autorité judiciaire, des personnes qui ne peuvent être placées en détention », poursuit le Premier ministre.

Protection des sites sensibles. Dimension importante, la protection des sites sensibles mobilise un nombre considérable d’agents de police et de militaires. 7.000 d’entre eux continuent à mener l’opération Sentinelle qui porte sur les sites Seveso, les sites militaires, certains Organismes d’intérêt vital (OIV), les commissariats de police ou les casernes de gendarmerie. « Le plan d’action présente l’ensemble des mesures activées pour prévenir l’accès de personnes radicalisées à ce type de sites. Les enquêtes administratives, ce que l’on appelle le criblage, seront renforcées et régulièrement réactualisées, rappelle Manuel Valls. Plusieurs de ces dispositifs renforcés entreront en œuvre dès cet été, avec une vigilance particulière pendant l’Euro 2016. »

Euro 2016 : « Tout est sous contrôle ». Hier soir, mardi 10 mai, une réunion a eu lieu à l’hôtel de Matignon en présence de Noël Le Gräet, président de la Fédération française de Football (FFB), Jean-François Martins, vice-président du Club des sites hôtes, Jacques Lambert, président du Comité d’organisation de l’Euro 2016, Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, Audrey Azoulay, ministre de la Culture et la Communication, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Alain Vidalies, secrétaire d’État aux Transports, à la Mer et à la Pêche, Christian Eckert, secrétaire d’État au Budget, Thierry Braillard, secrétaire d’État aux Sports et Nicolas Desforges, délégué interministériel aux grands événements sportifs. « Tout est sous contrôle. Tous ceux qui ont une responsabilité sont mobilisés », a déclaré Patrick Kanner.

Erick Haehnsen

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Source : info.expoprotection