Une-olienne-prend-feu-explose-et-chute-au-sol.-Impressionnant

Les fermes éoliennes terrestres sont conçues pour au moins vingt ans. Bien que peu de parcs aient déjà atteint cet âge en France, les opérateurs commencent à anticiper la question de leur prolongation. Mais le cadre législatif reste à définir.

La question de la prolongation de la vie des centrales nucléaires est au cœur de l’actualité. En revanche, on parle moins d’allonger la durée de vie des parcs éoliens. Cette problématique est moins urgente, car peu de parcs sont arrivés « à maturité » en France, mais elle commence à être anticipée par les opérateurs.« C’est un sujet prospectif. Le cadre législatif et réglementaire actuel n’est pas adapté », souligne Fabrice Cassin, avocat-associé de LPA CGR, lors d’une journée organisée par l’office franco-allemand pour les énergies renouvelables, le 17 mars. Les acteurs espèrent que les discussions autour du permis unique environnemental, engagées par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) en janvier, permettront de clarifier cette question d’ici l’automne. Car prolonger l’exploitation d’un parc peut permettre d’accroître sa rentabilité en allongeant la période d’amortissement et d’optimiser un site déjà accepté localement.

Une notion encore floue

Les éoliennes sont conçues pour durer au moins vingt ans. En Allemagne d’ailleurs, pour être exploitée au-delà de cette durée, une turbine doit passer un test de stabilité, visant à assurer ses performances techniques. « Chaque turbine a une durée de vie spécifique en fonction du site où elle est installée, de ses propres faiblesses (de conception…), de son exploitation… », explique Jürgen Holzmüller, du bureau d’ingénierie allemand 8.2 Holzmüller Aurich. Mais en France, « il n’y a pas de définition juridique de la durée de vie d’une éolienne », note Fabrice Cassin. Le cadre juridique n’est pas plus précis concernant les opérations qui visent à allonger la durée de vie d’une éolienne ou d’un parc…

Des travaux peuvent être menés à différents niveaux : changement de certaines pièces, optimisation ou remplacement complet d’une machine (revamping) ou reconception totale d’un parc (repowering). Selon l’opération menée, les incidences réglementaires ne sont pas les mêmes.

En effet, les parcs sont soumis à l’obtention du permis de construire et à la réglementation ICPE. Le premier donne le feu vert à la construction, la seconde autorise l’exploitation. Si les travaux envisagés sont trop importants, ces deux autorisations devront être modifiées, voire faire l’objet d’une nouvelle demande. Mais la réglementation reste encore floue sur ce sujet et la question peut s’avérer un véritable casse tête pour les exploitants.

Le cas par cas, faute de réglementation claire

Le permis de construire a été délivré uniquement pour le parc existant. En cas de reconception totale de celui-ci, il y a peu de chances pour que ce document soit encore valable. « Le permis à reconstruire à l’identique peut être une option, mais celle-ci reste résiduelle, analyse Paul Elfassi, associé de BCTG Avocats. Il faut en effet que la construction actuelle soit conforme au permis de construire (ce qui n’est pas toujours évident) et que les caractéristiques du nouveau parc soient identiques ». Quant à l’obtention d’un nouveau permis de construire, rien n’est moins sûr : « La réglementation évolue tout le temps et de nouvelles contraintes peuvent s’appliquer au site », souligne le juriste.

En revanche, puisque l’autorisation ICPE concerne l’exploitation, des modifications du parc n’entraînent pas forcément sa remise en cause. « L’autorisation d’une exploitation est délivrée de manière illimitée, sauf si l’installation est arrêtée pendant deux ans ou si un incident ou un accident d’exploitation conduisent les autorités à retirer l’autorisation », indique Fabrice CassinMais, prévient Paul Elfassi, « ce n’est pas un droit acquis : si l’environnement change, le Préfet peut modifier les conditions d’exploitation ».

De manière générale, une évolution de l’installation peut juste nécessiter une modification de l’autorisation. « Mais le niveau de modification apporté au parc doit être précisé juridiquement, note Fabrice Cassin. Si des changements notables sont réalisés, la réglementation ICPE va prendre en compte les éléments modifiés sur l’arrêté d’autorisation initial via un arrêté complémentaire ». Mais qu’entend-on par changement notable ? Est-ce qu’un changement de machine est un changement notable ? « La réglementation précise juste que l’exploitant doit renouveler sa demande d’autorisation en cas de transfert, d’extension ou de transformation de son installation dès lors qu’il y a un effet significatif sur l’environnement, le voisinage… », indique Fabrice Cassin

Aujourd’hui, la réponse reste à l’appréciation du juge. « Il faut regarder chaque compartiment de l’étude d’impact et voir s’il y a une aggravation des risques. L’installation d’éoliennes plus grandes peut réduire les risques pour les populations d’oiseaux par exemple, la modification ne sera donc pas forcément substantielle », analyse Paul Elfassi. L’avocat nuance cependant ses propos : « La DGPR a l’air de considérer que le repowering est une modification substantielle qui nécessitera une nouvelle autorisation ».

Une clarification avec le permis unique environnemental ?

Les deux juristes souhaiteraient que ces notions soient précisées par voie réglementaire, comme l’a fait lacirculaire du 14 mai 2012 de manière générale pour les ICPE. Ils croient également beaucoup dans le futur permis unique environnemental, qui devrait naître de l’expérimentation sur l’autorisation unique, menée dans plusieurs régions depuis 2014. « Il faut qu’il y ait un régime particulier à l’éolien dans ce futur cadre, comme une autorisation simplifiée, estime Fabrice Cassin, soulignant : Cela a été fait pour le regroupement d’installations d’élevage« .

Selon les travaux ouverts par la DGPR, ce futur permis unique concernerait à la fois la construction et l’exploitation, le permis de construire disparaîtrait donc pour ces installations, et notamment pour les parcs éoliens. « Ce permis serait également évolutif, comme l’est l’autorisation ICPE », ajoutePaul Elfassi.

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Source : Actu-Environnement