Face aux nouveaux risques auxquels sont confrontées les entreprises, les pratiques évoluent. Si l’accent est mis sur la prévention, inapplicable pour le terrorisme, les coûts de l’assurance, eux, augmentent.

Les attaques terroristes et informatiques constituent des menaces aux coûts tout aussi élevées que les catastrophes liées aux intempéries. Face à chacun de ces risques croissants, assurés et assureurs s’organisent pour évaluer l’exposition de leur portefeuille.

Petites ou grandes, peu d’entreprises victimes de cyberattaques acceptent de témoigner. « Les offensives sont plus destructrices qu’avant », souligne Thierry Floriani, responsable de la sécurité du système d’information d’Antemeta, une société française spécialisée dans le cloud. Pour certaines, les dommages peuvent conduire à la faillite pure et simple. Ce serait le cas pour Antemata si des pirates mettaient la main sur les données des 70 clients que la société héberge. « Sur une fenêtre de 2 heures, nous avons 100 000 actions de reconnaissances extérieures pour vérifier s’il y a une faille. Et sur ce nombre, nos systèmes de sécurité stoppent systématiquement 15 à 40 attaques », explique-t-il. D’après plusieurs études, huit PME sur dix ont déjà été touchées par les pirates. Outre les importants investissements humains et matériels pour accroître sa sécurité informatique à titre préventif, la société, qui réalise 10 M€ de chiffre d’affaires, souscrit un contrat spécial depuis cinq ans auprès de XL Catlin, assureur réassureur anglo-saxon.

En France pourtant, le recours à ce type d’assurance cyberattaques est encore marginal et les assureurs français sont peu présents sur ces offres, surtout pour les PME. Les grandes entreprises, elles, construisent sur-mesure leurs polices d’assurance. À ce jour, seuls Axa et Generali proposent des produits pour les TPE-PME. Depuis 2014, le premier commercialise un contrat « cyber secure » adressé aux PME et ETI. Pour les TPE, il s’agit d’une option au contrat assurance dommages.

 

Des contrats adaptés

Avec son contrat cyberrisques lancé mi-mars, Generali « évalue l’exposition au risque de l’entreprise, prévoit une assistance permanente en cas de sinistre et définit le remboursement des dommages selon la taille, l’équipement informatique et, à terme, le niveau de prévention de l’entreprise », explique Bernard Duterque, directeur de la souscription des risques spécialisés. Ce contrat, dont la prime moyenne est de 1 200 € par an, a déjà convaincu 110 entreprises et Generali prévoit de multiplier ce nombre par 6 ou 7 « au minimum » en 2018.

Un optimisme lié à l’entrée en vigueur en mai prochain du Règlement européen général pour la protection des données personnelles (RGPD). Celui-ci impose, entre autres, de notifier à la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) dans les 72 heures toute violation de données à caractère personnel. S’y soustraire engagera la responsabilité pénale du chef d’entreprise. «On va se rendre compte du nombre d’attaques que subissent les entreprises, c’est un levier de croissance pour nous, admet l’assureur. Avec la dématérialisation de l’économie, poursuit-il, s’assurer contre le risque digital va devenir d’ici 10 ans, aussi important que le risque incendie».

En cas d’attentat, un fonds d’Etat financé via une taxe

Pour les dommages corporels causés par un acte terroriste, l’Etat intervient via un fonds financé par la taxe attentat. Créée en 1986, elle est prélevée sur les contrats d’assurance auto et habitation. Face à l’augmentation des attaques terroristes, elle est passée en deux ans de 3,30 € à 5,90 €. Les assureurs, eux, sont obligés par la loi de couvrir les dégâts matériels. Un contrat incendie suffit pour se faire indemniser. La prise en charge est mutualisée par les assureurs et les réassureurs. Et si le chiffre d’affaires chute ? Une garantie optionnelle perte d’exploitation permet, notamment, de continuer de verser les salaires. Quid des commerces voisins dont l’activité est ralentie ? «En 2015, à Paris, les assurances ont aidé au cas par cas des clients situés dans une zone dont l’accès avait été bloqué, se souvient Jean-Luc Montané, directeur des assurances d’entreprise pour AXA France. Mais dans ce cas, c’est surtout l’Etat qui aide.»

Intempéries : l’accent est mis sur la prévention

La facture des dégâts assurés dans les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, dévastées le mois dernier par l’ouragan Irma, est évaluée à 1,2 Md€ par la Caisse centrale de réassurance (CCR). Un nouveau pic pour les assureurs, après les intempéries de 2016 qui ont fait flamber la note à 2,3 Mds€, contre une moyenne annuelle de 1,8 Md€ depuis 2008. L’an passé, les crues du printemps avaient coûté 1,3 Md€ au secteur, un record depuis 1982. Au total, 300 M€ avaient été versés aux entreprises, essentiellement dans les départements les plus touchés : Seine-et-Marne, Essonne et Loiret.

 

Une incidence sur les prix des contrats ? « Les bonnes années, comme en 2014 et 2015, les assureurs mettent de côté », tempère une source anonyme de la Fédération française de l’assurance (FFA), précisant que les tarifs resteront stables tant que les risques seront « maîtrisés ». D’où la nécessité de développer la politique de prévention.

 

Les coûts pourraient augmenter de 90 % d’ici 2040

 

Chez AXA France, on mise sur de nouveaux services pour anticiper l’arrivée, par exemple, d’une tempête de grêle. Concrètement, un prestataire notifie par SMS ou mail patrons et collaborateurs des sociétés clientes. « Cela nous aurait évité d’indemniser un concessionnaire du Sud-Est qui n’avait pas bâché ses voitures de luxe », confie Jean-Luc Montané, son directeur des assurances d’entreprise. Outre ce service météo, AXA France envoie des ingénieurs chez ses clients en vue d’éventuels travaux pour déplacer la marchandise dans un entrepôt surélevé.

 

Mais les prévisions de la FFA inquiètent la profession : les coûts liés aux intempéries vont augmenter de 90 % d’ici 2040, en partie à cause du dérèglement climatique (sécheresse, submersion marine…). L’autre raison ? Des permis de construire sont délivrés dans des zones qui pourraient devenir inondables. Et la FFA de conclure, toujours sous couvert d’anonymat : «Si on a une série de mauvaises années, il faudra augmenter sérieusement les tarifs.»

Source : leparisien